yant pour ambition de quitter le statut de pays en voie de développement pour accéder à celui de pays émergent, le Cameroun a lancé plusieurs projets d'infrastructures pour dynamiser son économie, au nombre desquels figure un réseau en fibre optique.
D'une longueur de près de 6000 km, ce réseau est déployé sous concession exclusive par l'opérateur national CamTel et relie une centaine de villes des 10 régions du Cameroun. Les travaux ont coûté environ 30 milliards de francs CFA, soit 45 millions d'euros, et ont été financés à hauteur de 15% par l'état camerounais et pour 85% via un prêt d'une banque… chinoise. Ce réseau sera encore étendu pour atteindre 10.000 km à la fin de l'année avec pour objectif d'amener le taux de pénétration d'Internet à 40%, celui de la téléphonie mobile à 50% et celui de la téléphonie fixe à 30% de la population en 2015.
En septembre 2012, Camtel découvrait avec surprise le long de la route Douala-Yaoundé des chantiers de pose de fibres optiques qui n'étaient pas à lui, et ce alors même que cet opérateur s'est vu concéder l'exclusivité de la pose de la fibre optique au Cameroun. Des inspecteurs de l'Autorité de Régulation des Télécommunications camerounaise sont venus enquêter sur place : ils ont constaté que la fibre optique sauvagement posée était prévue pour une installation aérienne et ne comportait que 6 brins, contre 18 ou 24 brins pour la fibre du réseau CamTel qui est enfouie,et que la pose n'avait pas été effectuée dans les règles de l'art : les tranchées avaient une profondeur de moins d'un mètre et les fibres optiques n'y étaient pas signalées par un grillage de signalisation. Il est apparu que l'opérateur responsable de ces travaux était Creolink Communications. Détail amusant, les employés qui effectuaient les travaux étaient vêtus de tenues portant le logo de CamTel, sans doute afin de ne pas se faire repérer trop vite... L'ART a mis Creolink Communications en demeure de cesser les travaux immédiatement, sous peine de subir les sanctions prévue spar la loi.
Mais tout récemment encore, l'ART a constaté que la pose de fibres optiques « pirates » se poursuivait, de la part de Creolink Communications et d'un autre opérateur, AES-Sonel, le fournisseur local d'électricité, titulaire pour cela d'une concession de service public.Du coup le régulateur camerounais a publié un communiqué rappelant que « l'établissement et l'exploitation des réseaux des télécommunications ouverts au public ou à usage privé sont conditionnés par l'obtention d'une autorisation du Ministre chargé des télécommunications, après instruction de l'ART, aux fins d'assurer le développement équilibré des réseaux sur l'ensemble du territoire national ». Le régulateur a également attiré l'attention du public sur ces pratiques, en l'incitant à la plus grande vigilance quant aux services que pourraient proposer ces entreprises travaillant sans autorisation.
Mais AES-Sonel ne l'entend pas de cette oreille et laisse entendre, comme le rapporte le journal camerounais Le Messager, que l'ART agirait surtout pour protéger certains intérêts. AES-Sonel fait valoir que le groupe auquel il appartient a une bonne expérience du déploiement aérien de fibres optiques, utilisées notamment au Brésil pour le pilotage intelligent du réseau d'électricité. L'entreprise assure que cette infrastructure permettrait d'apporter l'accès Internet à de nombreux foyers via des boîtiers CPL, et sous-entend que son projet menacerait le business historique de CamTel.
Le Cameroun est considéré par l'ONG Transparency International comme le « champion du monde de la corruption » et les détournements de fonds y sont hélas sont endémiques, qu'il s'agisse de chantiers de BTP ou de subventions agricoles. Ceci explique peut-être cela...