Profitant de l’émotion suscitée par les attentats de Paris, et sans remédier aux défaillances qu’ils ont révélées, le gouvernement français entend faire adopter une loi sur le renseignement qui permettrait une surveillance généralisée des communications. Le Sénat doit étudier début juin ce texte qui alarme tous les défenseurs des droits humains et du respect à la vie privée
Les dernières révélations d’Edward Snowden sur le piratage du fabricant de cartes SIM Gemalto [1] par les agences de renseignement américaine et britannique ont coïncidé avec la sortie de Kingsman : services secrets. Dans ce film parodique, un milliardaire inonde le monde de... cartes SIM gratuites donnant un accès illimité aux communications. Auréolé de l’Oscar du meilleur documentaire, Citizenfour, le récit des débuts de l’affaire Snowden, sort mercredi dans les salles françaises. Encore une histoire d’espionnage américano-britannique. Mais qui n’a rien d’une comédie.
Sans nécessairement en maîtriser toutes les subtilités, nous parlons tous l’anglais. Aussi, lorsque le Guardian et le Washington Post relaient l’alerte de leur informateur sur « Prism », un programme de surveillance massif mis en place aux Etats-Unis par l’Agence nationale de sécurité (NSA) avec l’aide du Federal Bureau of Investigation (FBI), c’est une vaste partie du monde, bien au-delà de l’anglo-saxon, qui se sent concernée.
Après Verizon, un des principaux opérateurs téléphoniques du pays, nous apprenions donc le 6 juin que les services Internet de Paltalk, Dropbox, AOL, Google, Facebook, Microsoft, Apple, Yahoo et Skype étaient eux aussi amenés à collaborer avec le renseignement militaire américain. Lequel disposerait, même si ces derniers s’en défendent, de portes dérobées (backdoor) dans leurs centres de données, jusqu’à pouvoir piocher à volonté et directement toute information jugée utile (déplacements, conversations, centres d’intérêt, « graphe social » etc.) pour la sécurité nationale. Parfois en temps réel, et sans autre forme de procès, et ce depuis 2007.
Deux questions au moins se posent immédiatement devant cette confirmation d’une surveillance globale : l’absence presque totale de contre-pouvoirs et d’instances de supervision d’une part, absence encore soulignée dans un récent rapport de l’ONU [1]. Ce flou juridique international sur le statut des données personnelles profite évidemment aux Etats-Unis, du fait de leur position dominante sur la carte de l’Internet mondial [2].
http://www.monde-diplomatique.fr/2001/11/HAGER/15859
http://www.monde-diplomatique.fr/mav/46/RIVIERE/m1
10 juin 2013. Le Federal Bureau of Investigation (FBI) et l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) auraient accès aux serveurs de neuf des géants américains de l’Internet, dont Microsoft, Yahoo !, Google et Facebook et Apple, dans le cadre du programme « Prism », selon des révélations du Guardian publiées vendredi dernier. Des informations obtenues par le quotidien britannique grâce à un ancien employé de la CIA, Edward Snowden, qui a dévoilé son identité dimanche. En février dernier, Dan Schiller décrivait la tutelle des Etats-Unis sur le réseau mondial.