Les inquiétudes que suscite le traitement des données numériques personnelles n’ont jamais été aussi fortes. [...] Le préalable requis dans tout débat sur la vie privée est de savoir qui surveille. Si la question est aujourd’hui si vive, c’est que trois surveillances différentes, celles de l’État, du marché et des individus, viennent se pencher ensemble sur nos données.
Comment faire face à l’amoncellement de données quand celui-ci excède de très, très loin notre capacité à les traiter ?
Ou, dans les termes de l’écrivain Alain Damasio :
« Comment on orpaille cette gigantesque masse de merde, pour en sortir les quelques petites choses qui ont de la valeur ? »
Peu de gens parlent de notre existence technologique avec l’intensité et la clairvoyance d’Alain Damasio. Cet écrivain de science-fiction culte est notamment l’auteur de « La Zone du dehors » (éd. La Volte, 1999) et « La Horde du contrevent » (éd. La Volte puis Folio SF, 2004). Ses romans questionnent la surveillance, les possibilités de révolte, la perception, la place de l’imaginaire.
Cela fait des mois, des années même, que le sujet du contrôle de nos données dans un monde connecté me titille, me démange. Autant de temps que j’ai passé à lire des articles sur les différents aspects du sujet pour le défricher, à accumuler du savoir, à rester parfois avec mes questionnements. A constater qu’autour de moi les gens ont un mal fou à comprendre ce que deviennent leurs données, tiraillés entre paranoïa et l’impression de ne pouvoir rien y faire.
Bien sûr, je relaye sur mon blog des liens vers des articles sur ce sujet, encourageant d’autres geeks à lire sur ce sujet, à faire passer le message. J’ai lancé une série de rencontres et de conférences, les Meetups décentralisation du Net pour essayer de s’attaquer collectivement au problème.
Mais j’ai envie d’aller plus loin quand je réalise que même si je ne suis pas un grand intellectuel, j’ai une compréhension de l’informatique qui me permet de comprendre le problème et, si j’en crois mes interlocuteurs, un petit talent pédagogique. C’est ainsi que m’est venue l’envie d’écrire un livre sur le sujet. J’ai commencé à le faire. Mais il me manque la pression, le soutien et le retour qu’apportent les lecteurs d’un blog. Aussi, après avoir écrit près de la moitié du livre, j’ai besoin de cette énergie, et j’ai donc décidé de publier un brouillon du livre ici, sur le Standblog, dans une série de billets, Flicage-brouillon[1], en espérant que l’interaction avec les lecteurs m’aidera à faire un meilleur travail pour l’apprenti écrivain que je suis.
Mais avant de commencer, il est important de préciser ce qu’est ce livre, et ce qu’il n’est pas.
Ce livre a pour vocation d’expliquer et de démystifier ce qui est fait de nos données sur Internet. Il va expliquer pourquoi il est important que nous retenions un certain contrôle sur nos données. Il va expliquer comment nous avons perdu le contrôle sur nos données, et il va explorer quelques pistes faciles à mettre en oeuvre pour reprendre au moins partiellement ce contrôle, si nécessaire à mes yeux sur le long terme.
En terme d’audience, il est destiné au ‘’power-users’’, les ‘’geeks-mais-pas-trop’’ qui aiment l’informatique, qui sont souvent utilisés par leurs proches pour faire du support technique informatique (si c’est à vous que votre tante passe un coup de fil quand son Internet est cassé, ce livre vous est probablement destiné). Pourquoi eux ? Parce que ce sont les mêmes qui ont, il y a 10 ans, installé Firefox en masse sur les ordinateurs équipés d’Internet Explorer. En leur fournissant une info facile à comprendre, à reprendre, à expliquer, j’espère toucher une masse critique d’utilisateurs qui voudraient reprendre le contrôle de leurs données mais ne savent pas encore comment faire.
Par contre, ce livre n’est pas un manuel qui vous permettra d’agir de façon anonyme sur Internet ou de vous cacher d’un Etat dont la police secrète veut votre peau. Il existe d’excellents ouvrages pour ça, à commencer par le Guide d’autodéfense numérique, ou le livre de Martin Untersinger Anonymat sur Internet.
Sans plus attendre, je vous invite à lire le brouillon de ce livre au fur et à mesure de sa publication et à réagir en cas de contre-vérité (ou de faute de grammaire !).
Au delà de l’envie d’écrire ce livre, je ressens une véritable urgence à le faire. Je compte sur toi, cher lecteur, pour m’aider dans cette tâche !
Dans le cadre de la lutte anti-terroriste, une députée socialiste a suggéré "d'agir sur les données cryptées" au moment des explications de vote sur le projet de loi porté par le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve.
En tout cas, la chose à retenir, c’est que tout ce que vous faîtes sur Internet est accessible. Gardez ça en mémoire, et ne tombez pas des nues quand on vous l’annonce !
Fiscaliser les géants, souvent américains, du Net, n’est pas une idée nouvelle. Elle est, aujourd’hui, plus que jamais, d’actualité. Le gouvernement s’attelle donc à trouver la bonne formule pour lutter contre les optimisations un peu trop optimisées des Apple, Google ou Facebook (…). Ces derniers ont pris la fâcheuse habitude de faire beaucoup de business dans nos contrées tout en s’acquittant de leur dû.
Pierre Collin, conseiller d’Etat et Nicolas Colin inspecteur des finances, ont donc été nommés l’été dernier pour produire un rapport visant à proposer des pistes pour remédier à cette situation. Le bien nommé rapport Colin & Collin a donc exploré de nouvelles pistes pour tenter de refiscaliser nos gros « optimiseurs ». Dans la ligne de mire, et il faut avouer que la piste est assez intéressante, la taxation pourrait s’indexer sur les données personnelles collectées (souvent de manière massive et franchement limite sur la forme… cf. Facebook). L’enjeu pour la France comme pour l’Europe est de faire valoir ses droits dans le cadre de conventions fiscales régissant les règles de taxation des activités, bilatéralement, entre deux états.
Le rapport Colin et Collin propose de taxer les données des géants du Web au niveau national et international.
Le gouvernement espère introduire des dispositions dès le projet de loi de Finances 2014.
“Les données personnelles sont le nouveau pétrole de l’internet”. Et pourquoi pas aussi le levier d’une nouvelle fiscalité en France ? Selon nos informations, la mission chargée de réfléchir à une “fiscalité du numérique” et baptisée “Colin et Collin” du nom de ses deux auteurs, s’oriente vers une imposition déterminée par la politique des entreprises en matière de données personnelles. Qui dépasse donc largement le seul secteur numérique.
Coup de tonnerre pour tous ceux qui se frottaient déjà les mains à l’idée de prélever les seuls “GAFA” (Google, Amazon, Facebook et Apple), championnes de l’optimisation fiscale : le projet des deux rapporteurs impliquerait en effet toutes les firmes qui disposent d’informations sur leurs utilisateurs. Au-delà des géants du web, EDF, GDF, La Poste mais aussi les banques, les assurance ou les groupes de distribution alimentaire… bref ! toute activité suivant de près les faits et gestes de sa clientèle.
Une idée originale dans le débat plus connu sous le sobriquet réducteur mais significatif de “Taxe Google” et sur lequel nombre se sont déjà cassés les dents. Et qui ouvre autant de perspectives que d’interrogations, en matière de compétitivité comme de protection des données