Marc Trévidic "Pour arrêter les gens, il faut des juges : vous n'arrêtez pas des gens avec le renseignement" http://www.dailymotion.com/video/x2wf5hy_marc-trevidic-pour-arreter-les-gens-il-faut-des-juges-vous-n-arretez-pas-des-gens-avec-le-renseignem_news
De la surveillance de masse à la paranoïa généralisée (bis)
À en croire ses opposants, le projet de loi Renseignement permettra "une interception de l'ensemble des données de tous les citoyens français en temps réel sur Internet, dans le but de faire tourner dessus des outils de détection des comportements « suspects »", et introduira donc une forme de "surveillance de masse" des internautes en France. #Wait : ce n'est pas ce que cherchent à faire les services de renseignement, ça coûterait bien trop cher et... les services disposent déjà d'une "capacité d'interception massive et globale".
Les Slides:
http://www.pearltrees.com/manhack/surveillance-generalisee/id11937773
Les visages des 90'000 fans réunis à Donnington Park pour applaudir Kiss, Muse et Slipknot auraient ainsi été scannés, et leurs traits auraient été comparés aux photos contenues dans la base de données d’Europol.
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Des Hacks:
http://cons.wonderhowto.com/how-to/stop-facial-recognition-software-from-finding-out-who-you-are-camera-0138980/
http://h4cker.net/
http://www.cnet.com/news/urme-anti-surveillance-mask-lets-you-pass-as-someone-else/
http://www.theatlantic.com/features/archive/2014/07/makeup/374929
D'autres choses sur le sujet:
https://www.eff.org/deeplinks/2014/04/fbi-plans-have-52-million-photos-its-ngi-face-recognition-database-next-year
http://alireailleurs.tumblr.com/post/121737023394
http://www.iis.fraunhofer.de/en/ff/bsy/tech/bildanalyse/shore-gesichtsdetektion.html
http://www.rslnmag.fr/post/2014/07/18/En-Grande-Bretagne-la-reconnaissance-faciale-fait-avancer-les-enquetes-policieres.aspx
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/06/02/pourquoi-la-nsa-aspire-des-millions-de-photos-de-visages-sur-le-web_4429961_4408996.html
http://alireailleurs.tumblr.com/post/84310492867
http://www.atelier.net/trends/articles/controle-regulation-necessaires-encadrer-pratiques-policieres-20_425223
http://www.slate.fr/story/58455/facebook-reconnaissance-faciale
Mireille Delmas-Marty, 74 ans, est une juriste infiniment respectée en Europe. Agrégée de droit privé et de sciences criminelles, ancienne professeure des universités Lille-II, Paris-XI, Paris-I - Panthéon-Sorbonne, ex-membre de l’Institut universitaire de France, puis au Collège de France de 2003 à 2011, elle a été professeure invitée dans la plupart des grandes universités européennes, ainsi qu’aux Etats-Unis, en Amérique latine, en Chine, au Japon et au Canada. En France, son nom reste attaché au rapport de la Commission justice pénale et droits de l’homme (1989-1990), qui préconisait une réforme profonde de la justice pénale : elle proposait de supprimer le juge d’instruction au profit d’un juge arbitre et d’un parquet doté de solides garanties statutaires. Ayant écrit de nombreux ouvrages, dont Libertés et sûreté dans un monde dangereux (Seuil, 2010), Mireille Delmas-Marty revient sur les enjeux liés à la protection des droits fondamentaux alors que le Sénat examine, depuis le 2 juin, le projet de loi controversé sur le renseignement. [...]
« La justice pénale devient une justice prédictive »
Quel est l’impact de ces bouleversements sur le système pénal français ?
De l’« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », prévue dès 1986, à l’« entreprise individuelle à caractère terroriste », ajoutée en 2014, se confirme l’évolution vers une justice que l’on pourrait qualifier de prédictive. Ce sont des étapes dans l’extension progressive des qualifications pénales en matière de terrorisme, une sorte de dilatation de la responsabilité pénale qui englobe des comportements de plus en plus éloignés de l’infraction. Alors que l’association de malfaiteurs suppose au moins deux personnes, la loi de 2014 n’en vise plus qu’une.
La différence n’est pas seulement quantitative, elle est aussi qualitative : à partir du moment où l’entreprise criminelle ne concerne qu’un individu, il est beaucoup plus difficile de trouver des éléments matériels concrétisant le projet criminel. D’où la recherche d’une mystérieuse intention criminelle afin, explique le gouvernement, de placer la répression pénale « au plus près de l’intention ». Aujourd’hui, il est possible d’engager des poursuites à l’égard d’un individu avant même toute tentative. Jusqu’où ira-t-on dans l’anticipation ? Prétendre prédire le passage à l’acte, détecter l’intention, c’est déjà une forme de déshumanisation parce que le propre de l’homme est l’indétermination : sans indétermination, on n’est plus responsable de rien.
Quelles sont les autres étapes ?
En France, le grand tournant remonte à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, adoptée par une « droite décomplexée » qui n’hésite pas à copier le modèle d’une loi allemande de la période nazie. Ce texte va très loin puisque en permettant l’incarcération d’un condamné après l’exécution de sa peine, pour une durée renouvelable indéfiniment par le juge au vu d’un avis de dangerosité, la loi renonce au principe de responsabilité.
Enfermer un être humain, non pour le punir, mais pour l’empêcher de nuire, comme un animal dangereux, c’est une véritable déshumanisation et une dérive considérable. La justice pénale devient une justice prédictive, et la sanction punitive se double d’une mesure préventive, dite de sûreté – qui en réalité repose sur la prédiction. Traditionnellement, le droit pénal est pourtant fondé sur la culpabilité, établie, construite sur des éléments de preuves. La dangerosité, en revanche, relève d’un pronostic sur l’avenir, voire d’un soupçon, impossible à prouver : faute de preuves de leur culpabilité, certains détenus de Guantanamo n’ont ainsi pas pu être jugés.
Le projet de loi sur le renseignement adopte-t-il la même logique ?
Ce projet va en effet dans le même sens : la police devient, elle aussi, prédictive. Deux mots-clés, empruntés au Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale, reviennent dans la présentation du projet de loi : « connaissance » et « anticipation ». Avec les progrès du numérique, on arrive à agréger dans les fameux big data une telle masse de données que l’interprétation, en intégrant les techniques de profilage et les algorithmes de prédiction, relève de plus en plus d’une logique d’anticipation, une sorte d’extension dans le temps. Au lieu de partir de la cible pour trouver les données, on part des données pour trouver la cible.
Y a-t-il des points communs entre le Patriot Act et l’arsenal législatif français ?
Oui et non. Non, parce que nous n’avons, en France, ni procédé à un transfert de pouvoir massif vers le président de la République, ni créé des commissions militaires pour juger les terroristes, ni autorisé l’usage de la torture. Notre arsenal n’est donc pas un « droit d’exception », comme l’a répété le premier ministre, Manuel Valls, bien qu’il concède « des mesures exceptionnelles ». Oui, car il y a aussi des points communs avec la riposte américaine, ne serait-ce que l’expression de « guerre contre le terrorisme », que le Conseil de l’Europe considère pourtant comme « un concept fallacieux et de peu d’utilité ». « Les terroristes sont des criminels et non des soldats, et les crimes de terrorisme ne peuvent être assimilés à des crimes de guerre, même s’ils peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité », précise une résolution de l’Assemblée parlementaire adoptée en 2011.
[...]
Voyez-vous, à partir de la lutte contre le terrorisme, une extension du domaine de la sanction ?
L’effet 11-Septembre, cette métamorphose de la justice pénale, de la culpabilité à la dangerosité, ne s’est pas limité au terrorisme. La riposte américaine a levé un tabou, celui de l’Etat de droit, soumis à des principes fondamentaux et à des droits indérogeables. En France, la loi sur la rétention de sûreté n’a ainsi rien à voir avec le terrorisme et concerne d’autres domaines de la criminalité – les viols, les meurtres, les enlèvements, la séquestration…
La loi sur le renseignement est plus ambiguë : elle est essentiellement légitimée par sa référence au terrorisme mais elle a un contenu beaucoup plus large, car elle permet une surveillance dans de multiples champs – les intérêts économiques et scientifiques français, ceux de la politique étrangère, la criminalité et la délinquance organisée, les violences collectives.
Il y a une porosité des différents domaines du droit pénal, comme s’il y avait une propagation de la peur, du terrorisme à d’autres formes d’infractions telles que la criminalité sexuelle ou la criminalité organisée. Puis on en arrive à l’amalgame entre la peur de la criminalité et celle de l’immigration. Il faut distinguer cette « peur-exclusion », qui conduit au rejet de l’autre, de la « peur-solidarité », qui est meilleure conseillère puisqu’elle suscite, autour de phénomènes globaux comme le changement climatique, une sorte de solidarité mondiale que le philosophe allemand Jürgen Habermas nomme « communauté involontaire ». Il reste encore à passer à une communauté cette fois volontaire.
[...]
Finalement, protéger la démocratie, c’est peut-être apprendre à rebondir sur les ambivalences d’un monde où la peur, quand elle ne favorise pas la haine et l’exclusion, peut être un facteur de solidarité. Face au terrorisme comme aux autres menaces globales, il faut garder à l’esprit l’appel du poète Edouard Glissant à la « pensée du tremblement », une pensée qui n’est « ni crainte ni faiblesse, mais l’assurance qu’il est possible d’approcher ces chaos, de durer et de grandir dans cet imprévisible ». Si nos sociétés y parviennent, Ben Laden aura perdu. A moins qu’il ne soit trop tard et que la guerre civile mondiale soit déjà là. A défaut d’une justice mondiale efficace, c’est une police mondiale sans contrôle qui risque alors de s’instaurer.
ans le cadre du projet de loi sur le dialogue social et l’emploi, un amendement porté par le gouvernement veut lutter contre la fraude des inscrits à Pôle Emploi. Comment ? En armant ses agents d’un droit de communication, quand bien même celui-ci malmènera à coup sûr la vie privée de millions de personnes. [...] Découvrir tout le tissu social d’une personne via ses données: Cet article, pointé notamment par notre confrère Samuel Le Goff, va armer les agents assermentés de Pôle emploi du pouvoir de « fliquer » les chômeurs afin de traquer d’éventuelles « brebis galeuses » qui perçoivent sans droit des prestations chômage. En effet, ces agents pourront réclamer d’une longue série d’intermédiaires, toutes les données afférentes à un individu (facturations détaillées ou FADET, contrat, données de connexion, abonnements TV, etc.), sans passer par la case du juge. L'idée ensuite ? Croiser ces jolis fichiers et deviner d’éventuelles contrariétés avec les déclarations Pôle Emploi. Bref, une belle panoplie d’outils intrusifs pour « contrôler l’exactitude des déclarations faites en vue de l’attribution des prestations » dit poliment le gouvernement. [...] «Rapprochons le droit de fouiller les comptes par CAF ou Pôle Emploi du #PJLRenseignement : ère du soupçon généralisé, population vs. État.» — Adrienne CharmetAlix (@AdrienneCharmet) 26 Mai 2015 [...] http://www.numerama.com/magazine/33203-pole-emploi-pourra-fouiller-vos-comptes-bancaires-entre-autres.html || Amendement du gouvernement http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2792/AN/683.asp || http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-411QE.htm || http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-100749QE.htm
Les débats parlementaires sur le projet de loi « relatif au renseignement » se déroulent au pas de charge à l'Assemblée nationale et dureront jusqu'au jeudi 16 avril. Le gouvernement et le rapporteur Urvoas refusent cependant d'entendre l'opposition croissante pointant les dangers de ce texte inacceptable. La Quadrature du Net appelle les citoyens à agir et les députés à faire face à leurs responsabilités en s'opposant en bloc à ce texte et à la surveillance de masse en général.
C'est bien pire que ce que l'on craignait. Selon les informations du Monde, la France a mis en place depuis 2007 un système de surveillance massive qui dépasse les pires craintes des défenseurs des libertés. La plateforme nationale de cryptage et de décryptement (PNCD), installée "pour l'essentiel" dans les bâtiments du siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à Paris, dispose des plus puissants calculateurs de France et intercepte puis stocke "des milliards de données françaises et étrangères".
La surveillance massive d’Internet révélée par le lanceur d’alerte Edward Snowden montre que les gouvernements — et les riches qui dominent les cercles politiques en proportion directe du volume de richesse nationale dont ils disposent — ont remarqué que la seule chose dont ils aient besoin pour mettre la terre entière sous surveillance est de corrompre ces géants de l’Internet, que ce soit ouvertement (comme quand l’agence d’espionnage britannique GCHQ paye British Telecom pour pouvoir mettre sur écoute les fibres optiques qui sont sur le territoire britannique) ou secrètement (comme quand la NSA a secrètement mis sur écoute les fibres optiques entre les centres de données informatique utilisés par Google, Yahoo et Facebook). [...] En d’autres termes, le coût des éléments clés du travail de protection est en chute libre depuis l’avènement d’Internet. Nous voici revenus à Piketty et à la stabilité sociale. Les riches ont besoin de stabilité du moins suffisamment pour que leurs banques et leur business continuent de tourner rond.
Je réagis comme vous : ça me fait flipper. L’augmentation de la surveillance implique que les mécanismes de combat contre les inégalités, déjà insuffisants, ont été détournés au profit d’une oligarchie. C’est une bonne raison pour inciter vos amis à utiliser des outils de chiffrement, particulièrement ceux qui sont disponibles en logiciel libre et open source. À l’heure où j’écris ces lignes, en janvier 2015, Obama, l’Avocat général de New York et le patron du FBI ont appelé à l’interdiction de la cryptographie pour le grand public, avec le soutien du Premier Ministre britannique David Cameron. Interdire la cryptographie est un projet ambitieux qui ne risque pas de se concrétiser (il combine les aspects les plus idiots de la guerre contre certaines drogues et ceux de la guerre contre le partage de fichiers), mais cela ne veut pas dire que cette volonté de nous rendre tous vulnérables à la surveillance ne fera pas de mal.[...]
Le temps passe. Il est bientôt minuit. Avez-vous chiffré votre disque dur ?
Aller plus loin sur Piketty (qui est
http://www.monde-diplomatique.fr/2014/10/A/50856
http://www.monde-diplomatique.fr/2015/04/LORDON/52847
http://www.monde-diplomatique.fr/recherche?s=Piketty
(très très librement traduit de l’article de Bruce Schneier http://digg.com/2015/why-mass-surveillance-cant-wont-and-never-has-stopped-a-terrorist). L’algorithme, en surveillant tout le monde, ne surveillera que ceux qui ne s’en cacheront pas. Et les rares terroristes réels qu’il repèrera seront ceux qui auront commis tellement d’erreurs qu’ils l’auraient été tout aussi bien par une surveillance ciblée. [...] Malgré les milliards de dollars dépensés par la NSA dans le même type de solutions, l’attentat de Boston n’a pas pû être évité. L’un de ses auteurs était pourtant sur la liste de surveillance, tous les éléments étaient là, mais noyés dans une telle masse d’informations que ça n’a servi à rien. Le fait de demander la légalisation d’outils qui ne feront que fournir encore plus d’informations ne peut, à l’évidence, que rendre la tâche encore plus difficile. Le pire, donc, dans tout ceci, c’est que tout l’argent et les moyens dépensés en vain, toutes les atteintes aux libertés publique que cette surveillance de masse implique, ne servent à rien d’autre qu’à nous exposer d’avantage.