Plus je réfléchis à ces histoires de confort et de sécurité, plus j’ai envie de dévier plutôt que de résister. Si le fond du problème est un désir de contrôle au niveau de la société, cela ne risque pas de s’arranger en ajoutant encore du contrôle au niveau personnel pour se cacher, hacker, etc. Ma stratégie (sur le long terme donc, vs. tactique) est de lâcher-prise sur le global et prendre soin du local.
Que les états, les renseignements généraux ou les multinationales puissent me profiler grossièrement n’est pas nouveau et je n’ai pas l’énergie pour lutter contre, même collectivement. Cela ne pourrait changer radicalement que par une révolution et nous en sommes encore assez éloignés, bien trop contents de notre confort.
En revanche, que mes voisins, ma famille ou mes collaborateurs aient accès à des informations que j’estime être personnelles et/ou confidentielles pourrait altérer des cercles de confiance qui me sont très chers. Ces données locales qui relèvent de l’intimité constituent une base de mes relations et des liens qui unissent les différents cercles de ma personnalité. Protéger ce maillage très fin me semble être beaucoup plus important d’autant qu’il est encore protégé par nos limitations techniques (mais plus pour longtemps).
L’opacité ou la transparence, propriétés équivalentes d’un même phénomène, n’exigent pas la totalité. La gradation est en fait leur atout le plus important.
Gestion de l’opacité, Karl Dubost
Comment y pallier alors ? En introduisant du bruit numérique, de l’entropie brouillant les pistes pour que ces micro-interactions restent floues, noyées dans la masse. Chiffrer, multiplier les identités, générer des traces numériques incohérentes. Tester des outils comme BitMessage ou Twister (qui consomment encore beaucoup trop de CPU pour mon usage mais j’espère que ça s’améliorera).
Mais en parallèle également, ne pas hésiter à chuchoter numériquement. Revenir à des outils moins intelligents, conserver certains cercles complètement déconnectés, discuter de visu et en pleine nature pour ne pas avoir l’impression d’être épié par un quelconque périphérique. Réduire son empreinte numérique pour privilégier les échanges de qualité, réduire le nombre de services dans le cloud qui enregistrent chacune de nos actions et de nos interactions, éduquer ses concitoyens sur ce que signifie le stockage illimité de nos échanges et de nos relations.
La frugalité numérique me semble être la meilleure amie de notre opacité, monter le son d’un côté pour pouvoir évoluer sur la pointe des pieds par ailleurs. Tromper les algorithmes en faisant diversion.
Ce billet est un résumé enrichi de ce que j'ai dit ou aurait voulu dire lors de TEDxToulon le 18 octobre.
Le Web est devenu une télévision dont l'audience est principalement répartie sur les 9 « chaînes » suivantes :
Facebook
Twitter
Instagram
Google
Wikipédia
Amazon
Github
Youtube
eBay
Cela m'attriste et compte-tenu de mon métier m'amène à me questionner sur les raisons de ce que je considère comme un échec dans le passage d'un réseau distribué et collaboratif à une centralisation massive et individualisante. La transformation d'un système d'échange de savoirs en une plateforme dédiée à la consommation d'information.
http://tedxtoulon.com/
http://thetransitioner.org/Intelligence_Collective_Revolution_Invisible_JFNoubel.pdf