Quelles sont les conséquences de l’invalidation par la CJUE de la directive Conservation des données personnelles sur la législation française ? Cette question avait été posée par Lionel Tardy en avril 2014. « Aucun effet » vient de lui répondre en substance le gouvernement. [...] Seul moyen d’avoir une réponse objective ? Espérer que les récentes procédures initiées par la Quadrature du Net, FDN et FFDN devant les juridictions françaises soient transmises à la Cour de Justice de l’Union européenne afin que soit jaugé notre système juridique. Qu'en dit le Garde des Sceaux ?
Un litige né en Suède et transmis à la Cour de justice de l’Union européenne risque de provoquer quelques sueurs froides dans les ministères, notamment français. Il concerne l’obligation pesant pour les intermédiaires techniques de conserver, sur une période de plusieurs mois, un grand nombre de données de connexion. [...] L’affaire en question est actuellement examinée par les services de la CJUE. Voilà quelques jours, la France est spécialement montée au créneau afin de défendre son régime, arguant d’après un témoin de l’audience, que la rétention des données est utile aussi bien pour lutter contre le crime et prévenir le terrorisme que pour assurer le respect des droits de la défense et permettre de démontrer l’innocence des personnes éventuellement mises en cause. Les conclusions de l’avocat général sont attendues le 19 juillet prochain. L’arrêt de la CJUE suivra quelques semaines plus tard. [...] Selon son sens, la décision est susceptible d’être une petite bombe, sans doute plus bruyante encore que l’invalidation de la directive sur les données personnelles en avril 2014 par la même CJUE. Rappelons que cette directive sur les données personnelles voulait harmoniser la collecte et la conservation des données de connexion dans toute l’Europe : origine, destination, heure et équipements utilisés auraient dû être conservés par les FAI et les opérateurs entre six mois et deux ans, au choix des États membres. Ce texte a été décapité par la justice européenne qui l’a trouvé bien trop respectueux sur le terrain du respect des libertés et de la vie privée. Mais l’invalidation a laissé intacts bon nombre de textes français tout simplement parce qu’ils ne procèdent pas spécialement de ce fondement juridique.. Appelé à examiner ce régime, la section du contentieux au Conseil d’État a déjà jugé que l’obligation de conservation des métadonnées en France « est fondée sur des règles précises et contraignantes, dont la méconnaissance est sanctionnée ». Ne trouvant rien à redire, la haute juridiction a balayé les critiques acidulées formulées par la Quadrature du Net, FDN, FFDN et RSF.
Ces derniers jours, le Conseil constitutionnel a rendu son verdict sur le projet de loi relatif au renseignement, ainsi que sur la QPC que nous lui avions soumise (voir billets précédents). Le résultat est très négatif, et le bilan fort sombre pour l'avenir. [...] De notre coté, nous autres FDN, LQDN et FFDN, allons poursuivre nos procédures. Comme Benjamin et moi l'expliquions lors de notre conférence à PSES, l'objectif principal et potentiellement atteignable à court ou moyen terme est celui de la data retention : faire tomber la législation française sur la conservation des données au regard des décisions européennes, par un moyen ou un autre. Notre recours devant le Conseil d'État sur le décret d'application de l'article 20 de la LPM, qui était suspendu pour la durée de l'étude de la QPC, va se poursuivre dans les mois qui viennent. Nous aurons peut-être également l'occasion d'attaquer plus frontalement la data retention dans les semaines à venir. Sans oublier nos deux recours sur les décrets blocage administratif de sites web et déréférencement issus de la loi Cazeneuve, qui poursuivent également leurs cours : le gouvernement a été mis en demeure de produire des observations il y a peu, ça devrait donc bouger bientôt. À plus long terme, l'avenir nous dira si l'on va ou non jouer devant les hautes cours européennes. CEDH, CJUE... Dans tous les cas, pareilles procédures prendraient au bas mot quelques années avant d'aboutir. Bref, nous avons encore du pain sur la planche, et de l'énergie à conserver. [...] À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes. (JF Kennedy) Oui, le chiffrement nous donne un peu d'espace pour respirer. Du moins tant qu'il n'est pas interdit. Mais ce n'est pas une solution. Le chiffrement ne rétablira pas la démocratie. Le problème est politique.