Adopté en Conseil des ministres, le projet de loi numérique renforce l'ouverture des données publiques, les droits des internautes sur leurs données et l'accès au réseau pour les plus fragiles. Mais la «neutralité du Net» a été limitée, et les «biens communs numériques» abandonnés. [...]
Résultat : si le texte français reprend sur la forme l’expression de «neutralité de l’Internet», sur le fond, il a fini, après le passage en Conseil d’Etat, par se caler purement et simplement sur le règlement européen. Lequel est jugé trop flou par plusieurs associations : en France, la Quadrature du Net estime ainsi qu’il «contient des failles importantes qui ne permettent pas d’assurer la neutralité du réseau». Seule consolation : le projet de loi interdit désormais toute limitation «technique ou contractuelle» qui empêcherait l’auto-hébergement, à savoir la possibilité pour un particulier d’héberger chez lui, sur son propre serveur, ses données et ses services (mail, site web, etc.).
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«Communs numériques» et logiciel libre, les grands absents
Deux thématiques, qui avaient pourtant rencontré un fort écho lors de la consultation en ligne, n’ont pas trouvé leur place dans la «République numérique» du gouvernement. Les propositions qui visaient à donner une assise législative aux biens communs numériques «volontaires», telles les œuvres sous licence Creative Commons, n’ont pas été retenues, et l’article par lequel l’avant-projet de loi entendait protéger le domaine public contre les réappropriations abusives a tout simplement disparu. Industries culturelles et ayants droit s’étaient mobilisés contre la reconnaissance de ce «domaine commun informationnel», désormais renvoyé à une mission chargée de trouver une rédaction «satisfaisante pour toutes les parties prenantes»…
Même sort pour les propositions qui visaient à promouvoir l’usage des logiciels libres – ceux que chacun peut librement utiliser, étudier, modifier et partager, comme le navigateur Firefox ou la suite bureautique LibreOffice – dans le secteur public, notamment dans l’éducation nationale. Sur ce point, le gouvernement, dans sa réponse sur la plateforme de consultation, a expliqué qu’il avait «plusieurs fois réaffirmé son attachement au logiciel libre». Une formule qui a de quoi laisser rêveur sachant que le 30 novembre, c’est avec Microsoft, le géant américain de l’informatique propriétaire, que le ministère de l’Education nationale a signé un partenariat. Il est vrai que l’entreprise de Redmond s’est engagée à investir, dans l’affaire, 13 millions d’euros.
Politique d’Open Data, renforcement de la CNIL et de la CADA, droit à l’auto-hébergement, reconnaissance de l’e-sport, neutralité du Net... La nouvelle version de l’avant-projet de loi numérique d’Axelle Lemaire a beaucoup évolué sur certains points. Next INpact vous propose aujourd’hui un décorticage des mesures phares de cette « V2 ».
Ailleurs:
https://reflets.info/loi-numerique-loi-gauche/
GuiGui :
Vu que j'étais plutôt perdu pour faire un bilan de la consultation publique sur l'avant-projet de loi numérique de Lemaire entre ma participation, l'avis de la presse, les réponses du gouvernement et vu que la presse apporte des éclairages différents et partiels, j'ai décidé de me penser plus en détail sur ce que contient (ou non) le projet de loi actuel. J'ai essayé de faire ça de manière synthétique mais c'est loin d'être facile.
http://shaarli.guiguishow.info/?rO7JeQ
Le gouvernement répond aux participants de la consultation sur la loi numérique
https://www.nextinpact.com/news/97585-le-gouvernement-repond-aux-participants-consultation-sur-loi-numerique.htm
Laurent Chemla, Axelle Lemaire et Gilles Babinet
Le 20 janvier dernier, La Quadrature du Net a co-signé une lettre ouverte [pdf] avec d'autres associations européennes appelant à nouveau les États Membres de l'Union européenne à adopter des règles claires et strictes pour la protection de la neutralité du Net. Malheureusement, un document de négociation montre qu'au même moment, ces derniers faisaient un pas de plus vers la fin de l'Internet libre. Il est temps que le Parlement européen se ressaisisse du dossier afin de défendre une vraie protection de la neutralité du Net contre les stratégies oligopolistiques des grands acteurs de l'Internet soutenues par les gouvernements nationaux. [...]
Les intérêts à court terme des grands opérateurs télécoms et des géants de l'Internet ne doivent pas dicter les politiques publiques. Aujourd'hui, face aux manœuvres des gouvernements nationaux et du commissaire européen Günther Oettinger, il est temps que le Parlement européen élu en mai dernier se saisisse du dossier et fasse preuve de fermeté pour défendre les avancées du printemps dernier.
Alors qu'aux États-Unis se tient une mobilisation sans précédent en faveur de la neutralité du Net et que Barack Obama a récemment appelé à une protection ferme de ce principe, les membres du Parlement européen doivent jouer leur rôle dans ce débat international, et faire en sorte que l'Europe montre la voie législative qui permettra de protéger l'Internet libre.
La Quadrature du Net appelle donc les députés européens à intervenir urgemment dans le débat en cours pour réaffirmer leur attachement aux compromis du printemps dernier, en s'opposant aux visées oligopolistiques des grands opérateurs et des géants du Web et à la complicité coupable de la Commission et des États membres.
https://www.laquadrature.net/files/NN_letter_to_ambassadors_20150120.pdf
http://www.statewatch.org/news/2015/jan/eu-council-net-neutrality-5439-15.pdf
Début avril, les eurodéputés votaient le Paquet Télécom. Ce vote emportait également celui de la neutralité du Net qui, après plusieurs amendements, a trouvé une définition européenne. Cependant, le dispositif doit encore être ausculté par le Conseil de l’Union européenne. L'analyse se fera ce 6 juin, prochaine étape de ce long parcours législatif. http://www.numerama.com/magazine/29585-axelle-lemaire-recule-t-elle-sur-la-neutralite-du-net.html
Le Point.fr : Quelle position souhaitez-vous défendre concernant la neutralité du Net ?
Axelle Lemaire : C'est une question complexe et d'actualité brûlante aux États-Unis et en Europe, que j'ai l'intention de traiter dans les prochains mois. Je suis favorable à une neutralité qui est clairement affirmée et dont le principe s'applique aux réseaux comme aux grandes plateformes de services. Le Conseil national du numérique a proposé d'en inscrire le principe dans la loi et un chapitre sur le sujet du projet de règlement européen sur les télécoms est en cours de discussion au niveau européen. Je soutiendrai toutes les évolutions qui permettent de garantir un Internet ouvert et soulignent cette spécificité européenne.