Après la loi de programmation militaire, la loi contre le terrorisme, la loi sur le renseignement, la loi sur la surveillance des communications électroniques internationales, la loi prorogeant et révisant l’état d’urgence, la France prépare un nouveau texte sécuritaire.
Le 24 novembre, lorsque la France a alerté le Conseil de l’Europe que sa loi sur l’état d’urgence devrait déroger aux droits et libertés protégés par la Convention européenne des droits de l’Homme, elle a soutenu que « la menace terroriste en France revêt un caractère durable, au vu des indications des services de renseignement et du contexte international. »
Cette réforme était donc prévisible d’autant qu’on voit mal François Hollande prendre le risque de claironner en février prochain que la menace est désormais passée. Si un attentat devait survenir peu après, les conséquences politiques seraient incalculables pour la majorité.
Une réforme constitutionnelle
De cette situation pour le moins épineuse, deux suites logiques étaient donc attendues, espérées ou craintes c’est selon : une nouvelle prorogation de l’état d’urgence et un nouvel arsenal législatif. La possible prolongation a été déjà annoncée par Bernard Cazeneuve puis Manuel Valls. À trois jours des élections régionales, le Monde a obtenu des informations sur les grandes lignes de la réforme attendue.
Elle passera d’abord par l’inscription en dur de l’état d’urgence dans la Constitution. Cette modification permettra de contrecarrer à l’avenir d’éventuelles questions prioritaires de constitutionnalité qui viendraient contester la loi de 1955 modifiée suite aux attentats du 13 novembre.
Selon nos confrères, l’état d’urgence pourrait aussi être programmé pour une durée de 6 mois, avec une sortie en douceur, si on peut dire, où la police disposerait de pouvoirs exceptionnels, histoire de faciliter la transition vers l’état normal. Selon des sources plus récentes, il n'y aurait aucun délai prévu par la Constitution, histoire de laisser du champ libre à l'exécutif.
A lire ailleurs:
Olivier Beaud : « Il ne faut pas constitutionnaliser l’état d’urgence »
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/01/il-ne-faut-pas-constitutionnaliser-l-etat-d-urgence_4821030_3232.html
Après les attentats, deux nouvelles lois sécuritaires
http://rue89.nouvelobs.com/2015/12/03/apres-les-attentats-deux-nouvelles-lois-securitaires-262345
Etat d’urgence : les députés veulent prendre le contrôle
http://rue89.nouvelobs.com/2015/12/02/etat-durgence-les-deputes-prennent-controle-262336
Attentats: ce que prévoit la révision constitutionnelle voulue par l'exécutif:
http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/attentats-prevoit-revision-constitutionnelle-voulue-lexecutif-1151763
Vanessa Codaccioni : «De moins en moins visible, la justice d’exception devient de plus en plus acceptable»
http://www.liberation.fr/debats/2015/12/01/vanessa-codaccioni-de-moins-en-moins-visible-la-justice-d-exception-devient-de-plus-en-plus-acceptab_1417540
Les symptômes d’un état fasciste:
En 2003, le docteur Lawrence Britt, analyse politique de son état a publié un livre dans lequel il a étudié plusieurs caractéristiques d’un régime fasciste. L’étude se base sur des régimes tels que celui d’Hitler, Mussolini ou Pinochet et 14 signes permettent d’identifier les dérives d’un régime vers un état fasciste.
http://reflexiums.blogspot.fr/2012/08/les-symptomes-dun-etat-fasciste.html
https://wiki.laquadrature.net/images/c/cc/Attentifs_ensemble.png
Comment l’obsession sécuritaire fait muter la démocratie:
L’article 20 de la loi de programmation militaire, promulguée le 19 décembre, autorise une surveillance généralisée des données numériques, au point que l’on parle de « Patriot Act à la française ». Erigé en priorité absolue, l’impératif de sécurité change souvent de prétexte (subversion politique, « terrorisme ») mais conserve sa visée : gouverner les populations. Pour comprendre son origine et tenter de le déjouer, il faut remonter au XVIIIe siècle…
http://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/AGAMBEN/49997
Pionnier des réseaux, le président d'honneur de la Société française de l'Internet Louis Pouzin s'inquiète aujourd'hui de la volonté de contrôle des Etats à l'aune des derniers attentats et des poussées sécuritaires des gouvernants.
Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, a présenté aujourd'hui en Conseil des ministres son projet de loi de lutte contre le terrorisme. Véritable arsenal de mesures de surveillance et de restrictions des libertés, ce texte réintroduit notamment le blocage administratif et sans juge de sites Internet, et propose d'étendre à nouveau l'extra-judiciarisation de la censure des contenus en ligne.
L’article 20 de la loi de programmation militaire, promulguée le 19 décembre, autorise une surveillance généralisée des données numériques, au point que l’on parle de « Patriot Act à la française ». Erigé en priorité absolue, l’impératif de sécurité change souvent de prétexte (subversion politique, « terrorisme ») mais conserve sa visée : gouverner les populations. Pour comprendre son origine et tenter de le déjouer, il faut remonter au XVIIIe siècle… [...]
Un droit à part pour nos vies numériques
Tout dernièrement, un article du projet de loi pour l’égalité homme-femme s’inscrivait encore dans cette logique, il a été voté au Sénat, puis retiré. Et l’idée du gouvernement consistant à transférer les objectifs et compétences de l’HADOPI au CSA (le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, une autre autorité administrative donc) n’est pas complètement étrangère à tout cela.
Vous me direz que ce n’est pas très grave, que dans une démocratie, on n’a rien à craindre d’une autorité administrative indépendante. Peut-être.
Ce qu’on à craindre, me semble-t-il, c’est d’accepter que nos vies numériques soient soumises à un régime de droit à part, comme si, parce que c’est technique, parce que c’est compliqué, le pouvoir politique pouvait se passer de la justice en ces matières. Ce n’est jamais bon quand le pouvoir politique pense pouvoir se passer de la justice.