a France aurait déjoué cinq attentats depuis ceux de janvier. Depuis quelques heures, des détails ont été éventés dans les médias. Le tout à quelques encablures de la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi sur le renseignement. Curieux hasard, non ?
La plupart des médias ont évoqué l'affaire cette semaine : la France aurait déjoué un projet d’attentat sur notre territoire. Des jeunes auraient reconnu vouloir mener une attaque terroriste en France entre décembre 2015 et janvier 2016. « Le groupe des supposés djihadistes », comme l’appelle le Figaro, est soupçonné avoir voulu pénétrer dans une base militaire du sud de la France afin d’y égorger un gradé. Le tout filmé avec une petite caméra numérique haute définition, de type Go-Pro.
Selon les agences de presse, « une enquête préliminaire a été ouverte dès le 23 juin par la section antiterroriste du parquet de Paris ». Mieux : l’un des quatre jeunes en cause avait été préalablement « repéré pour son activisme sur les réseaux sociaux et dans le relationnel de jihadistes français aujourd’hui incarcérés. »
http://www.numerama.com/magazine/33711-attentat-dejoue-ce-tout-petit-quelque-chose-d-illogique.html
Les documents piratés chez le fabricant de logiciels de surveillance Hacking Team montrent que, dès 2013, la société a été en contact avec les autorités françaises pour la vente de son produit phare, Galileo, un virus prenant le contrôle des ordinateurs. || Ailleurs: http://www.numerama.com/magazine/33646-loi-renseignement-la-france-a-contacte-hacking-team.html http://www.numerama.com/magazine/33624-la-firme-d-espionnage-hacking-team-piratee-400-go-de-donnees-diffusees.html https://reflets.info/hacking-team-et-la-france-cest-plus-pas-facile-que-cest-complique/
http://www.senat.fr/cra/s20150603/s20150603_mono.html pour le 3 Juin
Pour Manuel Valls, les nombreuses associations, personnalités et simples citoyens qui ont appelé les députés à voter contre le projet de loi Renseignement ont mis une "pression" à laquelle "heureusement peu de députés ont été sensibles". Ils ont succombé à une autre pression : celle du Premier ministre.
"La passivité sur internet, c'est fini", a poursuivi le Premier ministre. Le plan prévoit la mise en place d'une "unité de lutte contre la haine sur internet". Selon Le Monde, elle serait "composée d’officiers de police judiciaire" et "sera chargée d’améliorer le signalement et le suivi des actes et des propos racistes et antisémites sur la toile".
La question de l’orientation du gouvernement de Manuel Valls en matière de surveillance se pose très gravement aujourd’hui, en termes de libertés publiques et de liberté d’expression. Si ce projet était [selon le gouvernement] — à l’origine — une réponse à la menace terroriste, il semble qu’aujourd’hui, il est avant toute chose un verrouillage politique et social du pays. Cette dérive, clairement établie par le ministre de l’Intérieur, est particulièrement inquiétante. La question est : de qui se méfie le plus le pouvoir politique ? Des terroristes, ou bien de sa propre population et des forces en son sein qui pourraient s’opposer à lui ?
Il n’en reste pas moins que ce système de surveillance opérera dans la plus grande opacité. Les entreprises chargées de surveiller leurs utilisateurs se verront imposer le secret de la défense nationale. De
plus, leurs locaux pourront faire l’objet de visites de contrôle de la part d’agents de la CNCTR.
L’un des nœuds du problème dans ce débat est le statut des métadonnées. De nombreux experts, mais également les journalistes ayant étudié les documents fournis par Edward Snowden tels que Glenn Greenwald,
soulignent régulièrement le caractère intrusif de ces données et l’appétence toute particulière des services de renseignement pour ce type de surveillance. Celle-ci est en effet automatisée et son
exploitation demande beaucoup moins de moyens que l’interception de contenus qu’il faut ensuite analyser. Lors d’une audition, au mois de novembre dernier[1], par la Commission de réflexion sur le droit et
les libertés à l’âge du numérique de l’Assemblée nationale, le président de la CNCIS, Jean-Marie Delarue, avait lui-même fait part des dérives qu’il avait pu constater dans la collecte des métadonnées. « Je
suis personnellement persuadé que la saisie répétitive et portant sur des domaines étendus de métadonnées révèle autant en matière de contenant que la saisine de certains contenus », avait-il déclaré. « Elle
révèle d’autant plus que, bien entendu, ceux qui pensent être l’objet d’interceptions de sécurité sont en général discrets dans leurs propos. La saisine de contenant parle beaucoup plus que ce qu’ils peuvent
dire au téléphone. »
Jusqu’à présent, le gouvernement balaye de la main ces arguments et s’obstine à considérer les métadonnées uniquement comme des données techniques ne bénéficiant pas de la même protection. Ainsi, dans le
projet de loi renseignement, leur durée de conservation est portée à cinq ans, contre un mois pour les écoutes et un an pour les autres types de contenu. Dans un rapport relatif à l’activité de la délégation
parlementaire au renseignement, remis au mois de décembre 2014,[2] Jean-Jacques Urvoas avait indirectement répondu au président de la CNCIS. « Dans tous les cas, ces documents et informations ne portent que
sur les données techniques de connexion », écrivait-il. « À l’inverse de ce qui peut-être abondamment répété, le caractère intrusif s’avère donc limité puisqu’une facture détaillée révèle moins d’un individu
que le contenu de ses conversations », martelait Jean-Jacques Urvoas, renvoyant, en note de bas de page, à un article de Mediapart qui relayait les critiques de Jean-Marie Delarue.
Malgré les dénégations du gouvernement, et de réelles avancées potentielles en matière de contrôle, ce nouveau dispositif dessiné touche par touche au fil des lois n’est pas sans rappeler le "Patriot Act",
adopté en octobre 2001 aux États-Unis, comme le fait remarquer le Washington Post[3], et les dérives dénoncées par Edward Snowden. Les services français ne risquent-ils pas de se trouver en position de
mettre en place une surveillance de masse des internautes, avec la complicité forcée des acteurs du Net ? Le projet de loi a, en tout cas, d'ores et déjà suscité une vague de réactions en ce sens.
La CNIL notamment, dans un avis publié jeudi[4], s’inquiète de « mesures de surveillance beaucoup plus larges et intrusives » qu’actuellement. Concernant les nouveaux pouvoirs accordés aux services, la
commission affirme ne pas avoir « d’opposition de principe ». Elle se félicite même de la légalisation de certaines pratiques « qui, pour certaines, échappaient à tout contrôle » et qui désormais seront
soumises à un « contrôle administratif et juridictionnel ».
Mais c’est sur les dispositions visant Internet, et plus particulièrement la captation massive de données, que la CNIL tire la sonnette d’alarme. Les nouveaux pouvoirs accordés aux services auront des
« conséquences particulièrement graves sur la protection de la vie privée et des données personnelles », avertit-elle. « Il ne s’agit plus seulement d’accéder aux données utiles concernant une personne
identifiée, mais de permettre de collecter de manière indifférenciée un volume important de données qui peuvent être relatives à des personnes tout à fait étrangères à la mission de renseignement. »
Le gendarme des données personnelles demande à ce que le « périmètre » des données collectées soit « clarifié » et s’inquiète plus particulièrement des projets visant à collecter les informations directement
chez les opérateurs. « Les garanties prévues pour préserver les droits et libertés ne sont pas suffisantes pour justifier une telle ingérence », affirme la CNIL. Concernant les « IMSI catcher », la
commission souligne qu’un « tel dispositif permettra de collecter de manière systématique et automatique des données relatives à des personnes pouvant n’avoir aucun lien ou un lien purement géographique avec
l’individu effectivement surveillé ».
Enfin, la CNIL s’inquiète du sort réservé aux données collectées, et notamment de la manière dont seront conservés les fichiers ainsi créés. Elle propose même que la loi lui confie une mission de contrôle
des données stockées, « une garantie supplémentaire essentielle », estime-t-elle.
Le Conseil national du numérique (CNNum) a, lui, publié un communiqué[5] dans lequel il s’inquiète « d’une extension significative du périmètre de la surveillance », notamment à la « prévention des violences
collectives » ou encore à « la défense des intérêts de la politique étrangère », « deux champs dont les contours flous ne permettent pas de définir avec rigueur le champ d’intervention légal du
renseignement ». « De plus, le Conseil est préoccupé par l’introduction de nouvelles techniques de renseignement, dont certaines peuvent confiner à une forme de surveillance de masse. C’est le cas, par
exemple, du dispositif de traitement automatisé ». Plus globalement, « le Conseil s’inquiète de la tendance à l’accumulation de dispositions législatives visant à une surveillance accrue des citoyens sur
Internet ».
Interrogé par L’Express[6], le juge antiterroriste Trévidic a lui aussi fait part de ses craintes. « Ces pouvoirs exorbitants se feront sans contrôle judicaire », rappelle-t-il. « Ne mentons pas aux Français
en présentant ce projet comme une loi antiterroriste. Il ouvre la voie à la généralisation de méthodes intrusives, hors du contrôle des juges judicaires, pourtant garants des libertés individuelles dans
notre pays. »
Il n’en demeure pas moins que cette nouvelle réforme de la surveillance risque de passer, comme les précédentes, à la quasi-unanimité. Seuls quelques points pourraient être amendés. Il s’agirait notamment,
selon nos informations, de la protection de certaines professions, un point sur lequel le gouvernement attend les propositions des parlementaires. La demande de la CNIL de pouvoir exercer un contrôle sur le
stockage des fichiers a, elle, de fortes chances de rester lettre morte. En dehors de ces quelques points, l’union nationale devrait encore primer.
« Nous voterons cette loi, pas de polémique », a déjà annoncé Nicolas Sarkozy le 17 mars sur TF1, à la condition que celle-ci ne soit « pas dénaturée dans le cadre du débat parlementaire ». Frédéric
Péchenard, directeur général de l’UMP et ancien patron de la police, a de son côté salué[7] un projet « équilibré et cohérent », un texte « très intéressant », même s’il « arrive un peu tard ».
Le député PS, Christian Paul, membre de la commission sur les libertés numériques, se dit « sur le principe, favorable à une loi sur le renseignement ». « Tout d’abord, on sait bien qu’aujourd’hui les
terroristes et le crime organisé utilisent les différents réseaux. Et quand une menace évolue, cela ne me choque pas que la loi évolue », explique-t-il. « Ensuite, et parallèlement, les services de
renseignement disposent de technologies aux capacités intrusives de plus en plus inquiétantes. Il faut donc qu’il y ait une loi pour encadrer ces pratiques et ne pas se retrouver dans une jungle des données
dans laquelle les services pourraient se servir. »
« Mais cette loi doit donc être une loi pour encadrer », prévient-il. « Si l’idée est de donner un cadre légal à certaines pratiques, il faudrait déjà s’interroger sur ce qui doit être légal ou non et ne pas
forcément tout autoriser. Et pour cela, il va falloir, durant les débats, entrer véritablement dans la pratique, dans "l’état de l’art" du renseignement. Il faudra également être vigilant à ne pas tomber
dans une surveillance généralisée de type NSA. La fameuse "boîte noire" évoquée par la presse par exemple pose question », poursuit-il. « Enfin, et c’est un point important de ce texte, il faudra être très
vigilant sur la nature des autorités de contrôle. Il faudra s’assurer qu’elles ne se résument pas à un simple système d’enregistrement », prévient Christian Paul.
En attendant l’adoption très probable de ce texte, le ministère de l’intérieur songe déjà aux prochaines mesures. Et la prochaine cible pourrait bien être le chiffrement, considéré par de nombreux
internautes comme un pilier de la vie privée sur les réseaux. Le projet de loi renseignement prévoit déjà que le délai de conservation des données chiffrées ne court qu’à partir du moment où elles ont été
déchiffrées. Ce qui permet en théorie de les conserver ad vitam, si les services techniques ne parviennent pas à briser le chiffrement. Mais le gouvernement envisage d’aller plus loin et réfléchit, selon nos
informations, à la possibilité d’exiger des acteurs d’Internet que soient remises aux autorités les « clefs » de chiffrement permettant de décrypter les informations protégées.
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Loi et compilation de liens : https://shaarli.cafai.fr/?-1t_0Q
Manuel Valls a annoncé la signature d’un étonnant partenariat entre l’État français et l’américain Cisco. Outre 100 millions de dollars d’investissement dans les start-up françaises, l’Américain va aussi apporter sa force de frappe en matière de formation et pourrait mettre en place des centres d’excellence sur la cybersécurité.
Le Premier ministre a rappelé mercredi la responsabilité morale et juridique des hébergeurs de contenus en ligne. Aucun changement législatif n'est à l’ordre du jour. [...] C’est précisément cette implication de plus en plus forte des services internet dans la régulation de leurs propres contenus qui inquiète l’association de défense des libertés en ligne La Quadrature du Net. «Cela encourage la surveillance des discours par les plateformes dans un cadre extrajudiciaire, explique Félix Tréguer, un de ses membres fondateurs. Tout le monde reconnaît que l’apologie du terrorisme est une matière extrêmement sensible. Le rôle du juge n’est pas toujours un garde-fou absolu, on le voit dans les procédures actuelles, mais il est nécessaire et il faut absolument le réaffirmer.»
Après les attentats des 7 et 9 janvier, le premier ministre Manuel Valls a annoncé ce matin une série de mesures pour « lutter contre le terrorisme ». Devant ce discours évoquant longuement une augmentation du renseignement et de la surveillance, La Quadrature du Net rappelle que nombre d'annonces récentes préparent un nouveau recul des libertés publiques sur Internet et appelle à la plus grande vigilance politique et citoyenne sur les mesures qui seront mises en œuvre. (http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2015/01/synthese-terrorisme-v2.pdf)
Le 24 décembre, Matignon a publié un décret sur une mesure très contestée permettant aux agents de l'État de surveiller le Net français. Habile.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029958091&dateTexte=&categorieLien=id
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029959443
http://www.nextinpact.com/news/91534-le-decret-l-article-20-lpm-publie-on-fait-point.htm
En attendant, si on en croit la place Beauvau, les discussions avec les FAI n’ont pas bien abouties. « Le décret d'application suppose de régler très précisément les modalités techniques avec les fournisseurs d'accès à internet et de finaliser les arbitrages interministériels » avance-t-il timidement dans sa réponse. Contacté, un des FAI concernés nous indique cependant que « les dernières discussions avec le ministère se situent dans le meilleur des cas entre la période Sarkozy et celle de Hollande. Depuis l’été 2012, il n’y a plus rien. »