D’innombrables dispositifs programmés gèrent ou assistent notre quotidien. Qui n’est jamais devenu fou face à l’un de ces serveurs vocaux interactifs intimant d’« appuyer sur la touche étoile » ou d’articuler à voix in-tel-li-gible des expressions grotesques : « Si vous désirez des informations, dites “information” » — « Information » — « Je suis désolé mais je n’ai pas compris votre réponse, veuillez réessayer » — « In-for-ma-tion » — « Veuillez rappeler ultérieurement » ?
Anticipant l’existence de conversations programmées, le pionnier de l’informatique Alan Turing proposait en 1950 un test devenu célèbre : en conversant à travers une interface textuelle, peut-on distinguer si notre interlocuteur est un homme, une femme ou encore un programme particulièrement bien conçu ?
Pressés, distraits, la plupart du temps nous ne faisons pas attention aux trop complexes conditions générales d’utilisation que nous acceptons. Nous échangeons nos données personnelles contre un service ou un avantage qu’on ne peut pas toujours négocier ou refuser. [...] Nous sommes constamment invités à prendre des décisions sur des données personnelles au milieu d’une foule de distractions, comme un e-mail, une notification Twitter ou des demandes qui n’ont rien à voir avec le contexte. Si l’expérience d’Acquisti est correcte, ces distractions peuvent nuire à notre sens de l’auto-protection quand il s’agit de la vie privée.
Cette ethnographe américaine livre des analyses toujours pertinentes, toujours paradoxales et fertiles sur nos usages d’Internet, et en particulier sur la manière dont les jeunes Américains vivent les réseaux sociaux. Elle vient rarement à Paris, et je l’ai toujours ratée. Et voici que Claire Richard, qui vit à New York et nous envoie de temps en temps des entretiens, lui propose une interview qu’elle accepte. C’est ce que vous allez entendre ce soir : 45 minutes avec danah boyd où l’on retrouve ses analyses sur la sociabilité en ligne, sur le souci paradoxal que les jeunes ont de leur vie privée sur internet, sur la fracture générationnelle, mais aussi sur le grand internet des données, le fameux Big Data. C’est à la fois complexe et limpide, plein d’anecdotes et de montées en généralité très utiles pour penser. danah boyd répond à beaucoup de questions que nous nous posons tous, mais sans jamais livrer une vérité définitive. Bref, 45 minutes de régal, ce que je peux permettre de dire car tout le mérite en revient à Claire Richard.
En novembre 2011, Nicolas Sarkozy demandait à ce qu’on aille « plus loin, car il y a les sites de streaming. J'aime une musique, je veux la partager : la démarche n'est pas en soi négative. Mais sur les sites de streaming, l'idéologie du partage, excusez-moi, c'est l'idéologie de l'argent : je vole d'un côté et je vends de l'autre ». Une semaine plus tard, Frédéric Mitterrand réclamait à la Hadopi le soin de trouver un arsenal anti streaming et direct download dans les trois mois. Marie-Françoise Marais refilait la patate chaude à Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits.
On le sait, la Hadopi est née d’une petite entourloupe : contourner l’infraction de contrefaçon par une contravention de négligence caractérisée, histoire d'automatiser les traitements sans passer par un juge. La Rue du Texel réitère ici l'exercice avec cette fois les obligations des hébergeurs. Après avoir poussé les internautes à abandonner le P2P, elle est désormais en quête de mesures pour lutter contre le streaming et le direct download.
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Pour les professionnels du cinéma, Internet incarne de plus en plus le mal absolu, comme nous avons pu le constater le 8 novembre dernier, lors d’une réunion tenue dans l’enceinte du cinéma parisien L’Arlequin, avec une poignée de spécialistes du septième art rassemblée pour discuter financement et diffusion (c’est-à-dire chronologie des médias).