En France, lorsqu’un particulier souhaite ouvrir une connexion internet, il se tourne naturellement vers les principaux fournisseurs d’accès internet (FAI) tels que Free, Orange ou Bouygues Telecom. Et si le choix ne s’arrêtait pas là ? Une poignée de consommateurs l’a compris et opte pour les FAI associatifs. Il existe une vingtaine de fournisseurs associatifs (aussi appelés FAI alternatifs) en France. Il s’agit de petites structures à taille humaine où l’on se refuse de parler de clients ou de consommateurs. Les utilisateurs sont des adhérents. Gérés bénévolement par leurs membres, les fournisseurs d’accès associatifs offrent la possibilité de se connecter autrement. Ils entendent défendre la neutralité du net, tout en apportant assistance et conseil à ceux qui souhaitent créer localement leur propre FAI, notamment dans les « zones blanches », ces espaces qui représentent 2% du territoire français à l’intérieur duquel les habitants ne bénéficient pas des services mobile ou ADSL. [...] Les FAI associatifs aspirent à un Internet 100% neutre. Mais que faut-il entendre par neutralité ? Lorsque l’on reçoit un colis par la poste, on n’a pas envie que les services postaux y jettent un oeil ou pire encore qu’ils exercent un pouvoir discrétionnaire et arbitraire sur ce qu’ils souhaitent livrer ou non. La problématique de la neutralité de l’internet est assez proche. Certains fournisseurs prétextent des obstacles techniques comme la lenteur du débit pour lire ou visionner certains contenus ou faire fonctionner certains logiciels en ligne. Beaucoup d’adhérents des FAI associatifs y voient des d’atteintes à la neutralité de la part des grands groupes. Les principaux fournisseurs d’accès privés invoquent la limitation de la bande passante causée par le développement des plateformes vidéo, pour essayer de développer des systèmes à plusieurs vitesses – dans lesquels certains paquets bénéficient, contre rémunération d’une priorité d’acheminement. « Le réseau est naturellement neutre », explique Fabien Sirjean, président de FDN « or, porter atteinte à cette neutralité c’est limiter l’accès à l’information, et donc restreindre la liberté ». La FDN et l’ensemble des FAI associatifs portent ainsi les questions de neutralité et de limitation « programmée » auprès des pouvoirs politiques, y compris européens.
« Je déteste le concept de neutralité du net » poursuivra encore le président de la SACD. Avec ce concept, « les grands opérateurs peuvent diffuser sans payer les réseaux de diffusion. (…) Les opérateurs audiovisuels quand ils diffusent par la télévision, ils payent les réseaux de diffusion de TDF. »
« chaque internaute peut devenir diffuseur et dès lors qu’il devient diffuseur, il porte atteinte naturellement aux droits de propriété intellectuelle »
Le Point.fr : Quelle position souhaitez-vous défendre concernant la neutralité du Net ?
Axelle Lemaire : C'est une question complexe et d'actualité brûlante aux États-Unis et en Europe, que j'ai l'intention de traiter dans les prochains mois. Je suis favorable à une neutralité qui est clairement affirmée et dont le principe s'applique aux réseaux comme aux grandes plateformes de services. Le Conseil national du numérique a proposé d'en inscrire le principe dans la loi et un chapitre sur le sujet du projet de règlement européen sur les télécoms est en cours de discussion au niveau européen. Je soutiendrai toutes les évolutions qui permettent de garantir un Internet ouvert et soulignent cette spécificité européenne.
Un billet pour rappeler ce qui se joue en ce moment au Parlement européen en ce qui concerne un Internet ouvert et libre ainsi que pour vous donner envie de vous bouger avant qu'il ne soit trop tard.
Nous avons réuni sur le même plateau : Hacker, développeur et chef d'entreprise pour qu'ils nous livrent leurs perceptions croisées concernant vos données privées et de la façon dont les états, les entreprises, les services de renseignements peuvent les utiliser... Les avantages, les dérives probables et des solutions, bon visionnage.
Les offres de téléphonie mobile sont actuellement dans une nouvelle phase de mutation. D'un côté le « Fair use » monte en flèche, et de l'autre les prix baissent. Une situation qui permet désormais d'utiliser son abonnement en remplacement de l'ADSL par exemple, mais à condition d'être prudent. En effet, les opérateurs imposent souvent des limitations sur lesquelles nous avons décidé de faire le point. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que certains ne manquent pas d'idées...
Orange interdit à ses clients professionnels d'utiliser la VoIP, du streaming vidéo ou des réseaux P2P sur ses offres de fibre optique ou ADSL. Un choix étrangement assumé.
C'est reparti pour un tour. Aux États-Unis, la commission permanente du renseignement rattachée à la Chambre des représentants vient d'approuver la proposition de loi CISPA (Cyber Intelligence Sharing and Protection Act) par dix-huit voix contre deux [...] Le texte vise à améliorer la circulation des informations entre les entreprises, le gouvernement américain et les agences fédérales du pays, afin de mieux combattre les menaces de nature informatique. Cependant, ses détracteurs estiment que dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi nuit gravement à la liberté d'expression, à la vie privée et à la neutralité du net.
La Neutralité du Net, que beaucoup considèrent comme un pilier de l'avenir démocratique du Net, est lourdement menacé. Nous avons le plaisir de rencontrer Christian Paul, député PS de la Nièvre, auteur sous le précédent gouvernement d'une proposition de loi sur la neutralité du net et nommé dernièrement au Conseil National du Numérique.
Le monde de l'Internet est à nouveau agité par de vifs débats autour du concept de « neutralité ». Mais de quoi s'agit-il vraiment, et quels sont les enjeux pour les citoyens ?
Le CNN souligne dans son avis l’importance de défendre le principe de neutralité du net. Ce soutien était bien sûr très attendu... Mais l’avis élargit le débat : il ne suffit pas de garantir la neutralité des tuyaux d’Internet qui est, certes, fondamentale ; mais il faut considérer de façon plus large tout l’écosystème de communication et de télécommunication dont Internet devient le cœur.
Si un fournisseur d’accès à Internet qui offre aussi un service de vidéo décide de bloquer ou de ralentir les vidéos d’un concurrent, c’est en contradiction avec la neutralité du réseau. De la même façon, si un réseau social choisit de bloquer certains contenus, par exemple pour leurs opinions politiques, c’est aussi une violation du principe de neutralité. Il faut bien réaliser qu’on est sorti du cadre simple de l’internaute qui se connecte sur le web depuis un PC. C’est à partir d’un réseau de téléphonie mobile que, de plus en plus, on accède à Internet. Et c’est à partir d’un réseau social que très souvent on envoie des courriels, qu’on publie des photos, des vidéos. Il faut que les services qui permettent l’accès à Internet soient neutres eux-aussi. Ça n’a que peu de sens de protéger uniquement le tuyau, il faut que tout l’écosystème soit neutre.
C’est pourquoi, bien au-delà de la neutralité d’Internet, le CNNum recommande que : « la neutralité des réseaux de communication, des infrastructures et des services d’accès et de communication ouverts au public par voie électronique garantisse l’accès à l’information et aux moyens d’expression à des conditions non-discriminatoires, équitables et transparentes ». Tous les mots sont pesés et importants.
L'action du régulateur des télécoms, l'Arcep, ne convient pas au gouvernement. Dans un rapport confidentiel, révélé par BFM, les ministères du redressement productif, de la culture et de l'économie numérique se montrent critiques sur son action. Cette "version de travail", selon la ministre Fleur Pellerin, détaille des orientations sur le marché des télécoms, notamment une réduction des pouvoirs de l'autorité indépendante. Pour les deux ministères de Bercy, l'Arcep serait un "régulateur défaillant" qui "n'a pas pu, ou pas voulu, développer une véritable stratégie industrielle qui permette aux acteurs français de rester performants et compétitifs". Au cœur des griefs exprimés dans le rapport se trouvent l'arrivée d'un quatrième opérateur et le lent déploiement du très haut débit en France, sur lesquels l'autorité aurait pris de mauvaises décisions.[...] La neutralité du Net, le principe de non-discrimination des contenus et utilisateurs sur Internet, pourrait également être une autre source de tension entre le régulateur et le gouvernement. L'Arcep s'est imposée comme un fervent défenseur de ce principe, pour lequel il recommande des règles de transparence et une régulation forte des exceptions, notamment pour la gestion du trafic. Elle est d'ailleurs intervenue officieusement, puis officiellement, dans le contentieux entre Free et Google. Le gouvernement, lui, aurait une vision plus limitée de la neutralité, notamment en permettant une gestion de trafic raisonnable, des connexions à plusieurs vitesses ou encore le paiement des nouvelles capacités de connexion par les services Internet (comme Google pour YouTube). Si l'Arcep ne se prononce pas directement contre ces points, ils détonent avec un Internet commun à tous les usagers. Le rapport sur la neutralité remis par le Conseil national du numérique à Fleur Pellerin laisse également une grande place à la gestion du réseau et étend la neutralité aux services Internet "essentiels", comme les moteurs de recherche. Enfin, la régulation des contenus sur Internet, souhaitée par le CSA depuis près de quinze ans, ne passera vraisemblalement pas par une fusion avec l'Arcep. Le gouvernement craindrait ainsi de confier "un poids politique considérable à l'autorité de régulation [unique], au détriment de l'Etat central", pour des problématiques encore peu existantes.
Pour diminuer le trafic sur son réseau, SFR s'est arrogé le droit de modifier les pages HTML et les images des sites web que visitent ses abonnés 3G. Effectuée à leur insu, cette manipulation est une violation caractérisée de la neutralité du Net.
Suite à notre article d’hier sur l’altération des pages web par SFR et suite à l’article de Pierre Col sur ZDNet expliquant la gravité d’un tel procédé et l’évidente atteinte à la Neutralité du Net que ceci implique, nous avons procédé à d’autres vérifications car nous soupçonnons SFR de ne pas appliquer ce genre de choses uniquement au protocole HTTP et à la visite de pages web.
Au même titre qu'un autre, je suis censée pouvoir accéder à tous les contenus disponibles en ligne, mais aussi et surtout en publier. Et ce quelque soit le fournisseur d’accès à Internet (FAI) pour lequel j’ai opté. [...] Il n’y a que moi, en bout de course, ou le juge, en amont, qui pouvons modeler ce qui arrive ou non sur nos écrans.
Mardi soir, nous avons auditionné Fleur Pellerin à l’Assemblée nationale, et elle m’a confirmé qu’elle prenait l’avis du CNNum comme purement consultatif. Maintenant, on sent dans le même temps qu’au gouvernement, il y a des positions qui peuvent être différentes entre les portefeuilles des ministères, par exemple entre Najat Vallaud-Belkacem qui dit qu’il faut encadrer les libertés numériques et puis Fleur Pellerin et le CNNum, qui préconisent de garantir la liberté d’expression sur Internet. Je serais plutôt favorable à cette seconde vision. Je suis inquiète quand j’entends Najat Vallaud-Belkacem dire qu’il faut encadrer les libertés numériques. Faire respecter la loi, bien sûr. Mais encadrer les libertés numériques, ça veut dire autre chose... qui peut facilement ressembler à une forme de «bridage» de la liberté d’expression !
Ce matin, le Conseil National du Numérique remettait à Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l'Innovation et de l'Économie numérique, son avis et un rapport sur la neutralité du Net. En tant que membre du groupe de travail Neutralité du Net, j'étais convié à cette présentation, où l'avis du CNNum a été présenté.
[...]
L'avis
On retiendra de l'avis que :
La neutralité du Net est menacée par les pratiques de filtrage, de censure, de ralentissement et de blocage ;
Pour être protégée, la neutralité du net doit être intégrée dans la loi française, avec une valeur quasi-constitutionnelle ;
Le CNN propose donc une solution visant à modifier la loi de 1986, posant ainsi le principe de neutralité du Net. Les modifications recommandées sont :
changer le titre de la loi de 1986 pour l'intituler "loi relative à la liberté d'expression et de communication » et non pas seulement « loi relative à la liberté de communication".
dans le deuxième alinéa de l'article premier de la loi de 1986, indiquer : "La neutralité des réseaux de communication, des infrastructures et des services d’accès et de communication ouverts au public par voie électronique garantit l’accès à l’information et aux moyens d’expression à des conditions non-discriminatoires, équitables et transparentes."[1]
Trois autres points importants dans l'avis :
En tant que liberté fondamentale, son application doit être contrôlée directement par le juge (comprendre : pas de justice privée par les intermédiaires techniques)
A travers la liberté de communication et d’expression, le principe de neutralité valorise la liberté de création et d’innovation, et contribue à la citoyenneté numérique. (partie qui justifie l'avis et est amplement développée dans le rapport)
Son application doit être continuellement adaptée à l’innovation technologique, à la transition économique et à l’évolution des usages, notamment en direction des mobiles, du pair à pair et des objets connectés. (On va au delà de la neutralité des "tuyaux", en l'étendant aux "services d'accès". La neutralité des tuyaux est bien comprise. Il va par contre falloir définir ces services d'accès avant de déclarer leur neutralité).
Neutralité limitée aux tuyaux ou au-delà ?
Il y a un point qui a provoqué beaucoup de discussions au sein du CNNum, c'est de savoir s'il fallait se limiter à la neutralité des réseaux de communication ouverts au public ou s'il fallait étendre cela aux "service d'accès aux autres services". J'étais en faveur d'une réglementation a minima, focalisée sur la neutralité des réseaux, mais le consensus au sein du CNNum l'a emporté en faveur de l'inclusion des services d'accès aux autres services. L'idée est que ces services d'accès aux autres services sont de facto une extension logicielle des tuyaux. Ainsi, au lieu de légiférer pour protéger une neutralité qui est historique, on cherche à définir une voie vers la neutralité de ces services d'accès aux autres services. C'est une approche plus audacieuse, plus orientée vers le futur, et c'est celle qui a été choisie. Le choix d'une approche plus limitée aurait aussi eu comme défaut de se focaliser uniquement sur les fournisseurs d'accès à Internet, qui sont français, en laissant toute liberté aux acteurs internationaux qui gèrent les services d'accès. Une telle approche limiterait probablement les chances qu'une telle loi de passer en l'état...
[...]
Voir le CNNum voter à l'unanimité en faveur de cet avis est un signal fort.
J'espère que le législateur va implémenter ce que nous recommandons, et que ça va donner à la France une impulsion pro-Internet qui sera en contraste fort avec les lois sur Internet qui faisaient parler de nous à l'international (HADOPI, LOPPSI et avant DADVSI).
Le rapport, dont l'intérêt est d'expliquer l'enjeu de l'avis est un plaidoyer en faveur d'un Internet Libre et Ouvert. On y retrouve des concepts chers aux "barbus de l'Internet", dont l'excellent Benjamin Bayart, que je remercie ici pour avoir pris le temps de mettre sa réflexion par écrit, ce qui m'a permis de la diffuser au sein du CNNum pour alimenter nos discussions. On retrouve donc dans le rapport la notion d'"Innovation sans permis", ou l'idée que les adresses IP sont égales en droit (il n'y a pas d'adresses "spéciales pour les serveurs" et d'autres "spéciales pour les clients").
On retrouve aussi des idées communes à Bernard Stiegler[2] et moi quant à la nouvelle révolution industrielle et la participation de tous à la métamorphose numérique de la société, idées que partagent beaucoup de Libristes et de défenseurs des libertés des citoyens sur Internet.
Au final, cet avis et ce rapport nous auront fait travailler sous la pression, mais pour obtenir un résultat qui est au delà de mes espérances :
L'unanimité du conseil
Une recommandation qui met la neutralité quasiment au niveau constitutionnel
La prise en compte des contraintes des acteurs économiques
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Le billet de Tristan ajoute d'autre liens vers les documents en pdf, et une très bonne revue de presse qui couvre le sujet
Faire de la neutralité du net un « principe fondamental à valeur quasi constitutionnelle » : c'est l'avis sans ambiguïté rendu par le Conseil national du numérique.
Le Conseil national du numérique (CNN) a remis, mardi 12 mars, son avis sur la neutralité du Net à la ministre de l'économie numérique, Fleur Pellerin. L'institut consultatif s'est prononcé à l'unanimité en faveur d'une loi sur le principe de neutralité des réseaux, censé garantir l'accès universel aux contenus en ligne. Plus qu'une nouvelle loi, le Conseil recommande une modification de la loi de 1986 sur la liberté de communication.
L'avis du Conseil national du numérique sur la neutralité du Net est clair : il faut que le gouvernement inscrive le principe de neutralité des réseaux dans le marbre. « Pour nous, ce n’est pas une question d’effet de mode, c’est un principe fort qu’on voudrait instaurer de manière à ce que cette liberté d’expression soit maintenue, de même que celle sur la liberté de création » résume Christine Balagué, membre du CNNum. Toutefois, les moyens préconisés par l'institution ont suscité la déception d'organisations telles que La Quadrature du Net.