Un nouveau contrat social a-t-il émergé en France, de façon informelle, et sans que personne ne l’ait signé ? Les changements technologiques sont-ils au cœur de cette possibilité ? Quelles sont les conséquences de cet état de fait s’il se révélait exact ?
Plus les gens peuvent s’autonomiser plus les politiques tentent d’enlever de l’autonomie aux gens, plus les gens contestent, plus les politiques restent sourds aux contestations et installent des régulations anti-contestataires. Il est possible d’envisager une société future où les individus la constituant seront tellement experts et capables de faire par eux-mêmes, les politiques tellement sûrs de leur capacité à contenir l’ensemble, que l’Etat ne sera plus qu’une somme de contraintes et de normes répressives se confrontant quotidiennement à sa population. Ni plus, ni moins.
Le nouveau contrat social connecté est déjà en place. Le cirque étrange qu’il engendre peut-il continuer encore longtemps ? Là est la question.
C’est le philosophe français Michel Foucault (1926-1984) qui a remis l’idée du panoptique au goût du jour avec son livre Surveiller et punir paru en 1975. Foucault étend l’idée à d’autres lieux que la prison et l’usine, comme par exemple l’école et l’hôpital. Cela fait dire au philosophe Gilles Deleuze (1925 - 1995) : La formule abstraite du Panoptisme n’est plus « voir sans être vu », mais « imposer une conduite quelconque à une multiplicité humaine quelconque. » Voilà, tout est dit : en faisant croire aux gens qu’ils sont observés en permanence, on arrive à leur imposer une façon de se comporter.
Relire "Les origines du totalitarisme" : Hannah Arendt montre que la domination totalitaire isole les individus et détruit leur vie privée ; elle se fonde « sur l’expérience absolue de non-appartenance au monde ». Le totalitarisme détruit la séparation entre vie publique et vie privée.
Relire Deleuze et Foucault aussi https://infokiosques.net/imprimersans2.php3?id_article=214
Pour Geoffroy de Lagasnerie, "l'Etat fait proliférer aujourd'hui les mesures qui échappent au contrôle du juge. Ce qui débouche sur une précarité juridique croissante pour les individus. L'Etat développe sa case noire, les zones grises où règne l'arbitraire... ce qui est une régression et accroît notre vulnérabilité."
Michel Foucault, disparu il y a trente ans, proposait d’approcher les grandes questions du monde à travers le rapport entre savoir et pouvoir. Cette méthode a l’avantage de contextualiser le discours que l’on est en train d’analyser : quels discours permettent d’exercer quels pouvoirs ? Et quels pouvoirs sont censés induire quelles contraintes et en vertu de quels discours ? Dans un de ses plus célèbres ouvrages, Surveiller et punir[1], Foucault démontre les mécanismes qui permettent de passer de la démonstration publique du pouvoir d’un seul, le monarque qui commande l’exécution publique des peines, à la normativité morale et physique imposée par le contrôle, jusqu’à l’auto-censure. Ce n’est plus le pouvoir qui est isolé dans la forteresse de l’autorité absolue, mais c’est l’individu qui exerce lui-même sa propre coercition. Ainsi, Surveiller et punir n’est pas un livre sur la prison mais sur la conformation de nos rapports sociaux à la fin du XXe siècle.